Dans le cadre des rapports annuels obligatoires, l’expert Syncea mandaté par le CSE-central, a restitué l’état social et économique d’Aos en 2019-2020. En voici la synthèse vue par la CGT Atos&Bull.

La chute des effectifs
Atos France a perdu 32% de sa population entre 2014 et 2019. Les raisons en sont :
• Un défaut d’attractivité  avec un marché très concurrentiel où Atos ne sait pas retenir ses salariés et où les autres ESN recrutent plus chers les profils demandés,
• Une politique de recrutement axée sur les juniors et les experts qui laisse de côté tous les autres profils
• Une stratégie de near/offshore qui dévitalise et presse les ressources en France,
• Un recours massif à la sous-traitance – quelque 20% (!) des effectifs Atos France – qui sert d’amortisseur facile à actionner en cas de fluctuations d’activités, et qui camoufle la difficulté à recruter pour l’entreprise…

Atos – sur un marché tendu et avec ses stratégies de gestion du personnel – n’atteint pas ses objectifs de recrutement. Avec un classement en 127e position parmi les employeurs préférés des jeunes diplômés (étude Epokia 2019), Atos ne peut prétendre à être l’entreprise où il fait bon être ; les écrans de fumée « Great place to Work », le « We are Atos » ne suffisent pas !

Même si un turn-over important est de mise dans le secteur des ESN, Atos, plus que d’autres, ne sait pas retenir ses salariés. En 2019, c’est une attrition de 15% pour BDS et BP&S, de 10% pour IDM et 19% pour Consulting. En toute logique, le taux de démission des juniors en CDI est 4 points supérieur à la moyenne constatée sur la GBU France. L’expert Syncea écrit pudiquement : « Il convient de s’interroger sur les actions menées par Atos pour limiter le turn-over ».

En parallèle, le recours aux alternants/stagiaires a augmenté de près de 40% entre 2016 et 2019 (426 stagiaires). Atos n’a pas voulu/su communiquer le nombre recruté après la période de stage, c’est un point sous « prise de conscience » répond la direction.

Un recrutement désordonné
La politique de recrutement d’Atos est sans rapport avec ses ambitions de croissance (IDM Cloud, BDS, Consulting, SI…). La direction n’y voit pas d’incohérence ! Un programme RH phare « internal first » existe et aurait vocation à fidéliser les salariés, en poussant à des valorisations salariales.
On résume pour ceux qui auraient perdu le panorama général : Atos grandit par de la croissance externe tout en transférant les activités vers le near/shore et en tentant un programme interne de rétention… tout cela est bien tordu et ressemble aux pratiques « high-level cabinet de conseil » type Mc Kinsey !

Seule problème identifié par la direction : la pyramide des âges est présentée comme un facteur de manque de compétitivité vis-à-vis des concurrents. La population Atos vieillit  : 27% de la population a plus de 55 ans (22% en 2016), les moins de 30 ans représentent 14% et l’âge moyen est de 45 ans. En creux ce qu’il faut comprendre :
• Les vieux (les seniors en langage correct) produisent moins vite et moins bien, sans aucun jugement de la direction bien évidemment !
• La politique de recrutement d‘Atos ne permet pas le rajeunissement de la pyramide des âges.
• L’off-shore est une manière détournée de réduire les couts et les âges, en rétractant l’emploi en France.
Depuis 2016, en matière de recrutements, Atos est sans aucun doute un cas d’étude des écoles de commerce sur ce qu’il ne faut pas faire en matière d’embauches, avec son système du « stop and go ».

Un offshore cher à Atos
Atos est clair dans sa volonté absolue d’exporter les activités hors de France. La règle d’or est le recours à l’Inde s’il n’y a pas de contraintes client. S’il y a une production européenne exigée, destination Pologne et Roumanie. Et il reste pour la langue française, nos pôles nearshore du Maroc et du Sénégal.
Atos affiche un objectif à 60% en off-shore pour les activités B&PS et aussi pour les fonctions support (on se rappelle l’opération 2020, momentanément suspendue, du transfert de l’équipe Finances en Inde, appelée projet R7).
Toujours dans le langage châtié de l’expert : « la mise en concurrence avec l’off-shore peut être mal vécue par les équipes ». Verbalisation délicate de la violence vécue par le salarié formant celui qui va l’évincer ! Tout dans la délicatesse verbale a contrario de la réalité vécue…

Une formation pas chère pour Atos
Le constat est sanglant : « la GBU France n’apparait pas en mesure de proposer des programmes qualifiants de formation à l’ensemble des salariés qui en ont besoin ». Voilà l’affiche, le scénario du film suit :
• Les formations privilégient les juniors et les experts.
• Les formations et mouvements internes ne s’accompagnent pas en général d’une évolution reconnue des compétences et/ou du niveau GCM (référentiel RH Atos).
• La tactique de faire évoluer en termes de compétences les salariés pour des activités à plus forte valeur ajoutée est un échec. Non pas que les salariés n’obtiennent pas de certifications, mais Atos ne les valorise pas !
• La GSEC Atos (gestion stratégique des emplois et compétences) est en place… théoriquement… Il n’existe pas d’accord avec les syndicats des salariés, la direction ayant rompu unilatéralement en 2019 les négociations car elle souhaitait y intégrer des mesures moins-disantes que la loi !
• Et pour résultat à fin 2019 (avant la Covid), seulement la moitié (55%) des salariés identifiés ayant un besoin d’amélioration des compétences avaient réalisé des actions de formation !
• Il faut préciser que la formation est effective chez Atos, simplement il n’y a pas de cohérence entre ambition d’entreprise, moyens, formations, valorisation. En bref on demande beaucoup aux salariés en termes d’adaptation et de valeur ajoutée, sans partage de la richesse produite.
• Tant en recrutement, qu’en formation, il n’y a pas de vision longue durée pour l’entreprise, les salariés s’en aperçoivent… Atos n’est pas attractive, la boucle est bouclée…

L’inégalité Femmes/hommes chez Atos France
C’est un sujet intolérable récurrent : les inégalités Femmes/Hommes.
• Chez Atos, les femmes dans le TOP 1% des rémunérations élevées est de… 13%. Pire cela n’évolue pas depuis 5 ans. En relation, il y a une problématique d’accès aux postes les plus élevés pour les femmes.
• Tout d’abord, cela commence à l’embauche : l’égalité salariale n’est pas assurée.
• Les inégalités constatées à partir de 45 ans sont flagrantes. C’est la résultante des discriminations en termes de salaires ou de promotion subies chez Atos ou ailleurs.
• L’expert précise que les problématiques d’égalité professionnelle apparaissent davantage au niveau des fonctions support.
• Il y a nécessité d’intégrer la parentalité dans les parcours de carrières et dans le traitement des inégalités au sein de l’entreprise.
La CGT prône depuis des années une enveloppe spéciale dédiée aux rattrapages pour régler d’un coup les discriminations faites aux femmes. Sinon l’entreprise cultivera une fatalité en faisant perdurer d’année en année les inégalités de traitement.

Penser la qualité de vie au travail (QVT)
Dans le contexte du marché du travail pour les ESN, notre activité est obligée de proposer d’autres critères différenciants (étude Syntec Numérique sept. 2019) :
• Amélioration du bien-être au travail,
• Politique de mobilité interne et valorisation des parcours,
• Flexibilité au travail (télétravail),
• Parcours de formation et de progression.
• Et à la mode ; accent sur les enjeux écologiques avec la décarbonation, facteur d’attractivité pour les salariés.
L’expert préconise de repenser la QVT en intégrant l’égalité professionnelle, l’épanouissement individuel, la santé au travail, l’engagement sociétal, la fidélisation et la création de valeur… Vaste programme ! Manque que les moyens !
Cependant, le constat est clair : Il n’existe pas une identité Atos. Il n’existe qu’une reconnaissance projet, éventuellement technique. Les métiers proposés ne correspondent pas aux attentes des salariés. Il y a un manque de culture d’entreprise, la communication ne fait pas tout et il n’y a pas d’attachement revendiqué des salariés à Atos, à commencer par l’évidence ; il n’existe pas ou très peu de partage des plus-values de l’entreprise.

Au final, Atos est faible sur des points pourtant d’évidence pour une grande compagnie : recrutement, valorisation, rémunération, formation, fidélisation, partage des richesses produites ; il faudrait une véritable innovation culturelle, loin des pensées formatées de McKinsey, pour qu’Atos puisse être qualifié d’entreprise heureuse.
Et tout cela forme les combats que la CGT Atos&Bull va mener !