Notre mutuelle santé n’étant plus à l’équilibre financier, la direction a convoqué les organisations syndicales en mai 2023 pour une négociation afin de résorber le déficit. Elle a conduit cette négociation de concert avec l’assureur Malakoff Humanis avec, pour seul objectif, de faire payer l’augmentation des cotisations par les salariés uniquement. Le prestataire a décidé d’accentuer sa pression en envoyant un courrier de résiliation du contrat le 24 octobre 2023, montrant ainsi une volonté limitée de négocier, exigeant de surcroit l’instauration d’une prime de risque de 1.6% injustifiée et destinée seulement à améliorer sa rémunération. Son montant a finalement été revu à la baisse à 0.4%.
L’assureur demandait une augmentation des cotisations de 12%, ce que toutes les organisations syndicales, en gestionnaires responsables, étaient prêtes à accepter pour équilibrer les comptes. En effet, les dépenses de santé des salariés Atos ont augmenté en 2023 en raison d’un grand nombre de déremboursement de la sécurité sociale et d’augmentation des prix des prestations : forfait hospitalier (inflation et revalorisation des personnels soignants), actes bucco-dentaires, kinésithérapie et médecine de ville. Les tickets modérateurs ont eux aussi évolué, renchérissant les prestations de la mutuelle.
La direction a tenté par tous les moyens de ne pas honorer la signature qu’elle a apposée sur l’accord frais de santé conclu en 2015. Elle a affabulé sur les causes de ce déséquilibre en pointant du doigt des « coupables » idéaux : les conjoints de salariés Atos, affiliés à la mutuelle et déclarant un revenu (dits « non à charge ») . Ce sont parfois des travailleurs indépendants ou de la fonction publique, mais ces revenus peuvent être aussi issus des indemnités de chômage ou une prestation d’invalidité, raisons pour lesquelles la cotisation qui leur est appliquée avait été définie à un taux inférieur à celle des salariés Atos dans l’accord signé en 2015. Mais pour la direction d’Atos, ce sont avant tout des « profiteurs » du système : elle les a accusés pendant la négociation de s’affilier le temps nécessaire pour éponger des grosses dépenses de santé afin de bénéficier d’un « effet d’aubaine », ou de demander des remboursements à la mutuelle d’Atos plutôt qu’à la leur (sans même qu’on sache s’ils en ont une !).
Toutes ces accusations n’ont évidemment été étayées par aucun chiffre ou statistique de l’assureur. Malgré nos demandes répétées, nous n’avons obtenu aucune donnée sur la durée de cotisation des conjoints non à charge, ni informations détaillées sur les consommations des salariés et de leurs enfants, sachant que ces derniers peuvent être rattachés sur le numéro de sécurité sociale du conjoint non à charge et ainsi expliquer une part importante des dépenses de cette population, prestations dites de « famille cachée ». Aucune information non plus sur le nombre et le volume des dépenses des conjoints non à charge utilisant la mutuelle Atos en premier en lieu en place de leur propre mutuelle.
Il est apparu que cette volonté de la direction de cibler une catégorie en particulier était un calcul pour ne pas honorer sa part dans le budget d’augmentation. En effet, la cotisation des conjoints non à charge est payée entièrement par le salarié Atos, l’employeur n’y participe pas. Son augmentation est donc le moyen de renflouer les comptes en l’exonérant de sa contribution, contrairement aux termes de l’accord de 2015. La direction d’Atos avait donc proposé une majoration de 100%, lui permettant de ramener sa participation à l’effort commun réclamé par l’assureur à hauteur de 6% au lieu de 12 ! Effet d’aubaine ?
Après négociation, la majoration a été ramené à 50% : un tiers des salariés Atos en France, ceux ayant déclaré un conjoint non à charge, supporteront alors la différence sur leurs cotisations, mettant à bas les notions de solidarité voulues par l’accord signé lors de la mise en place de la mutuelle. Cela représente un surcoût de plus de 150€ annuels pour un salaire médian de 45000 euros. Cette stigmatisation d’une partie de la population assurée ouvre la voie à une rupture de solidarité, à de futures différenciations entre les salariés avec famille ou sans famille à charge, ceux ayant une pathologie chronique et ceux en bonne santé.
Bientôt des cotisations spécifiques à la charge du salarié sans participation de l’employeur ?
Les dangers du referendum d’entreprise et de celui-ci en particulier…
Dans cette logique, un avenant à l’accord frais de santé a été proposé à la signature le 19 décembre 2023. Il n’a pas obtenu une majorité de signatures et n’est donc pas applicable. Il prévoit une augmentation de 9% des cotisations employeurs et salariés, et 50% pour celles des conjoints non à charge.
La CGT a pris la décision de ne pas le signer, considérant que la charge de l’augmentation n’est pas équitablement répartie entre la direction et les salariés et qu’il est contraire aux principes de solidarité voulus par les signataires en 2015. Nous avions pourtant accepté la demande de l’assureur, pourvue qu’elle soit partagée par toutes les parties, mais nous n’acceptons pas la stigmatisation faite par la direction sans aucun argument factuel. Nous dénonçons un simulacre de négociation, déloyale et faussée. Notre proposition d’étendre l’assiette des cotisations à l’ensemble du salaire n’a pas été retenue : aujourd’hui elles sont plafonnées à cinq plafond mensuel de la sécurité sociale, toute la partie les dépassant (en dessus de 19320 euros mensuels) en est exonérée, est-ce équitable ?
Dans le cas où l’avenant ne serait pas applicable à l’issu du référendum, si une majorité de « NON » l’emporte, l’employeur garde l’obligation légale de proposer une mutuelle aux salariés. Dans ce cas, il devra, soit négocier avec l’assureur actuel le maintien des contrats avec une baisse des prestations, soit lancer un appel d’offre auprès d’autres assureurs. Cette dernière solution a été proposée par la CGT dés le début de la négociation pour permettre une mise en concurrence et refréner les velléités de chantage à la dénonciation du contrat par Malakoff-Humanis.
Bien évidemment, la direction n’a pas voulu anticiper en ce sens et essaie aujourd’hui de forcer la main aux salariés avec l’appui des organisations syndicales signataires en laissant planer le doute sur le niveau de prestations de la future mutuelle. Sa responsabilité est pleine et entière dans le retard pris pour résoudre le déficit constaté, c’est pourquoi aujourd’hui, dans sa récente communication, elle vous intime de le ratifier par votre vote comme si aucune autre solution n’existait. Quitte à mentir sur les « engagements pris auprès de l’assureur » qui sont obligatoirement soumis à l’aval d’une issue positive de la négociation…
Enfin sur le sujet même du referendum en entreprise, de nombreux risques sont avérés :
- Il permet à l’employeur de réduire des sujets complexes, nécessitant des négociations longues et un investissement important des représentants syndicaux, en temps et en formation, à une simple question. Celle-ci peut-être orientée et ne permettra jamais de couvrir l’ensemble de certains sujets sensibles et techniques (celui de la mutuelle d’entreprise en est un bel exemple). A contrario, les membres d’une délégation syndicale bénéficient de l’expérience et d’une connaissance approfondie du sujet, ainsi que du soutien technique et juridique de leur organisation. Leurs avis sont donc fondés et argumentés. L’appartenance ou le mandat syndical garantit l’indépendance du groupe de négociateurs par rapport à l’employeur, tout comme l’élection qui oblige à rendre des comptes aux salariés. Cette indépendance est un élément constitutif de la négociation loyale selon l’article L.2232-29 du code du travail
- Lors d’un référendum, un salarié ne vote qu’en fonction de son intérêt personnel, il n’y a rien qui l’oblige à tenir compte de la collectivité de travail. Le délégué élu ou syndical, en raison de sa désignation, est un représentant de la collectivité des travailleurs. C’est cette représentation qui assure l’égalité avec l’employeur dans la négociation collective, qui n’existe pas dans le contrat individuel de travail, soumis à la subordination. Une collectivité de travail n’est pas qu’une somme de contrats individuels.
- Il vise à affaiblir les syndicats dans l’entreprise en tentant de contourner le principe de participation, et spécialement le droit à la négociation collective. Ce faisant, il remet en cause la participation des salariés aux élections professionnelles dont sont issues les organisations syndicales représentatives, nie leur légitimité et fragilise la démocratie sociale.
- Il est contraire au principe de la liberté syndicale dans la mesure où il met directement en cause l’action syndical lors des négociations