16 Mai 2023, grande salle d’un hôtel à 10 kms des locaux d’Atos Toulouse. Petits fours, alcool léger, mais discours lourd. Le ravalement de façade à l’eau de javel, décolorant le bleu en orange, ne fait pas mouche au sein de l’auditoire, pas plus que les quatre « valeurs» hashtaguées mises en exergue. Fin de l’intervention enrobée de langue de bois où ne manquait que les surtitres « applause now » pour que l’auditoire réagisse au bon moment. Puis début des questions. Florilège :

Q : Quelle logique de laisser partir des gens essentiellement par non augmentation, alors qu’un recrutement de remplacement se fera avec un delta de salaire encore plus élevé ?

R : le turn-over c’est bien, regardez EDF s’ils sont dans la m*** c’est parce que ça ne tourne pas. Donc partez, pas de soucis, et on se fera un plaisir de vous reprendre dans 1 ou 2 ans.

Quelques minutes avant on nous encourageait à « bousculer les lignes dans notre domaine, favoriser l’intrapreneuriat et l’esprit startup ». Ces concepts déjà creux sont définitivement désavoués par la réponse ci-dessus. Une start-up protège ses recrues et s’appuie sur une politique salariale forte. Le management évoque une « révolution disruptive» mais applique le « on fait comme les autres ». Pour nous, le discours est définitivement incompréhensible !

Notons en sus que la perte des « talents » continue côté Eviden (-190 collègues en France au premier semestre). L’attrition des équipes et les remplacements tardifs induisent une hausse de la charge de travail, « client FIRST » oblige ! Puis le découragement, le siphon de démission et enfin, de manière complètement inique, la non réaffectation des budgets d’augmentation prévus pour ces démissionnaires sur les autres membres des équipes. Tant pis… Vraiment ? Personne à la direction ne semble voir la conséquence qui crève les yeux : d’année en année la fuite des salariés empire.

Q : Comment comptez-vous faire pour éviter qu’Atos / Eviden ne soit la boite de formation des autres ESN?

R : l’Académie du numérique imposera, pour les formations internes, un engagement à rester chez nous pendant 2 ans, considérant les frais engagés…

Q : Votre projet de regrouper les forces data pour se tourner plus vers l’expertise, le conseil et l’architecture sera-t-elle soutenu par une politique salariale adéquate ? Un budget et une réactivité de formation de soutien ? Et une force de vente associée à l’ambition ?

R : Oui, mais c’est un plan à 2 ans.

Bon, bon, bon, en d’autres termes, il est envisagé de « forcer » les gens formés à rester chez nous (avec un salaire bloqué sans doute) en attendant que les forces de ventes s’alignent. Toujours la même logique, le même discours insensé et déphasé : restez en vous taisant ou partez et revenez vite. Les quatre hashtag qui font la fierté de la direction et des RH pour « fonder la start-up Eviden avec VOUS les employés sans attendre le soutien des actionnaires » en prend un coup.

#StayCurious : oui, mais pour être curieux, se former et s’autoformer, il faut être dans les conditions adéquates et ne pas avoir de soucis financiers, de baisse de qualité de vie. Bref avoir l’environnement mental et matériel le permettant. On ne grandit pas sur un terrain meuble, on a plus de chance de se retrouver le nez dans la boue.

#DareToTry : ça fait des années qu’on réclame une répartition équitable de la valeur ajoutée produite par notre travail. Tiens d’ailleurs, une autre question a été posée « Quand prendra-t-on sur les dividendes pour se payer ? » Rire gênés « Ca je n’y peux rien, il faut comprendre les actionnaires, ils n’ont pas pris de dividendes cette année ». Commentaire « Oui mais post covid pas de prime pour les salariés ET augmentation de 35% des dividendes » Réponse : pas de réponse. C’est étrange de voir comment la masse anonyme des actionnaires sert d’excuse à l’impuissance (ou à une politique scélérate délibérée).

#DoTheRightThing : on travaille pour vivre et non l’inverse. Les actionnaires pompent (le mot est pesé) dans la manne à laquelle ils n’ont jamais contribué. Notre travail, nos compétences, apportent une valeur ajoutée dans laquelle des profiteurs ponctionnent arbitrairement un montant indécent, amputant les augmentations, l’investissement et donc le développement de l’entreprise qui garantirait l’emploi.

#GrowTogehter : quand une équipe a besoin de matériel/formations/compétences pour être plus efficace, la réponse est « ne me gonflez pas avec les questions de budget, n’attendez pas un code d’imputation, allez-y ». On doit grandir ensemble mais nous devons sortir nos propres deniers pour avoir un meilleur matériel, les moyens d’être percutants en prospection ? Quelle est l’assurance que les paroles proférées en l’air autour d’un verre sur le remboursement des frais ne seront pas trahies ? Comment la direction ose t-elle vous suggérer d’investir une partie de votre salaire sans garantie d’au moins rentrer dans vos frais ?

Plusieurs semaines se sont écoulées, cet échange ne passe toujours pas. Ce qui devrait être la fondation d’une pépite nous semble une avancée à l’aveugle et laisse un sentiment de désengagement plutôt que de volonté de participer à la création d’une nouvelle société. Dernier coup au moral en date : après un cafouillage sur une commande non conforme de tour de cou aux couleurs de la potentiellement éphémère Eviden, on nous distribue… des autocollants pour transformer nos badges Atos en Eviden !

Sérieusement ? Ce n’est pas « cheap », c’est insultant !

La direction ne sait pas où elle va, elle est donc incapable de rassurer les équipes pour les garder soudées et prêtes à fournir le meilleur (c’est son discours, pas le nôtre !). Comment une boîte vide peut-elle répondre à l’objectif de renflouer les poches d’actionnaires qui ont fait de mauvais choix et qui ont besoin de nous, travailleurs, pour ne pas faire banqueroute ? Les membres du Conseil d’Administration et les dirigeants d’Atos sont la cheville ouvrière (désolé pour le mauvais jeu de mot !) de l’opposition travail / compétences réelles et spéculation / mensonges.

Quand les comptes vont bien, les actionnaires se gavent au détriment des salariés,

quand ils vont mal ils ne les aident pas et les mettent en danger !

Toujours la ponction sur l’économie réelle, c’est-à-dire NOUS, les productifs !

Toujours à nous demander des efforts puis conclure à l’impossibilité de répartir les gains !