Atos doit répondre et rendre des comptes de son engagement au titre de la « Responsabilité sociale et environnementale des entreprises », ou RSE, notion introduite en France par une loi de 2001 qui exigeait que ce volet soit présenté aux actionnaires ( !) lors d’une assemblée générale. Cette responsabilité a été étendue par la loi « Grenelle 2 » sans toutefois impliquer les salariés dans ses exigences. La CGT demande que les salariés, via les représentants du personnel, puissent être associés :
- Aux discussions et choix des indicateurs retenus
- à l’élaboration et à la rédaction du rapport ; celui-ci devrait notamment faire l’objet d’une délibération au comité d’entreprise, de groupe ou européen, et être accompagné de son avis motivé ;
- à l’attribution de tout label créé en matière sociale (label social, égalité…), d’obtenir la validation de la majorité des représentants des salariés concernés ;
- à l’élargissement aux questions environnementales des compétences des CE et CSSCT ;
- à la création d’un droit d’expertise en matière de RSE pour les IRP.
En attendant Atos dispose d’une entité dévolue à ce label et celui-ci fut récemment présenté en CSEE. Force est de constater, suite à cette présentation, que le sujet tel qu’il et envisagé reste opaque voire fumeux. Atos fait appel, en particulier, à ECOACT (société du groupe Atos, donc) pour réaliser des enquêtes ou des présentations censées mesurer son propre engagement RSE.
Il existe un eco-système RSE totalement incestueux qui fait du business sur la thematique environnementale, les uns organisent des salons auxquels les autres participent, les autres produisent des argumentaires qui valident la démarche des uns, etc. Beaucoup de littérature marketing, webinaires, formations et force presentations powerpoint viennent s’autocongratuler sur l’engagement de tous en se focalisant uniquement sur la fameuse empreinte carbone qui n’est pourtant qu’un indicateur parmi d’autres du réchauffement climatique http://www.planete-durable.com/les-15-indicateurs-du-changement-climatique/.
Désormais les émissions de carbone ainsi calculées par ces experts sont devenues des marchandises qui s’échangent sur un marché organisé mondialement. https://www.ecologie.gouv.fr/marches-du-carbone . A ce titre, Atos compense son surcroit d’emissions par des actions de type caritatif (c’est-à-dire que c’est le donneur qui décide de ce que « bénéficiaire » a besoin de recevoir) en Inde, Brésil et Ethiopie. Cette compensation représentait 242,986 tonnes d’équivalent carbone en 2019. Atos s’autorise donc à continuer de polluer pour un volume équivalent à 120 millions d’extincteurs, pour vous donner un ordre d’idée.
Par ailleurs, chez Atos seul le volet Environnemental est traité, le S est marginalisé (diversité, GPTW, We are atos et autres effets de comm), l’aspect « Social » est optionnel… Cela n’est pas surprenant car il ne s’agit pour Atos que de vendre de la décarbonation, du vert ou green, sous ce fameux label RSE : 76,6 millions d’euros de bénéfices générés par les solutions décarbonées en 2021. La présentation suivante du directeur commercial vient corroborer ce triste constat. A la question de savoir comment Atos prend en compte la dimension RSE dans le choix de ses sous-traitants ou clients celui ne comprend pas la question et recitifie « vous voulez savoir si les clients nous choisissent pour notre engagement RSE ? » la réponse est que cela est même devenu incontournable (comme le bon vieux ISO 9001) car pour Atos le RSE est en fait un produit et un argumentaire de vente et pas du tout un engagement sociétal. En effet les clients ont besoin de certifications Green venant de leurs fournisseurs comme Atos car cela leur permet de bien remplir leur rapport annuel RSE aux actionnaires, ceux-ci peuvent ensuite dormir tranquillement sur leur petit magot de dividendes tout vert, même si la peinture est fraiche et ne tiens pas au toucher.
Pire sans doute, est la présentation suivante, où l’on nous annonce « une très bonne nouvelle », la signature d’un énorme contrat avec la société MBDA. Que fabrique donc MBDA ? c’est le plus grand marchand européen de Missiles !
Cela va des Exocet aux toutes nouvelles technologies de destruction et de mort que sont les missiles hypersoniques déjà testés grandeur nature en Ukraine. La CGT mettant en opposition la démarche RSE et le fait de faire travailler les salariés d’Atos pour un marchand d’arme, la Direction ne sait plus quoi dire « Alors si on commence à se poser ce genre de questions ». Et oui, on se la pose et on ne cessera de la poser. Même si un certain nombres de clients sont des marchands d’armes (Naval Group, Safran, …) les salariés peuvent décliner l’injonction qui peut leur être faite d’obtenir une habiliation « défense » et ceci, la direction s’y est engagée, sans impact sur le développement de leur carrière. Néanmoins ce pas de côté permis n’est qu’un pis aller.
On peut imaginer aller plus loin en introduisant une clause de conscience contractuelle qui permettrait à chaque salarié de ne pas participer à des activités de l’entreprise auxquelles il objecte. Comme dans d’autres domaines sociaux Il y a du chemin pour y parvenir.
Illustrations: Giorgio de Chirico