Réunion de lancement de Eviden got Talents ! +500 personnes invitées, et long exposé à force de superlatifs par les RH et la communication interne. La CGT souhaite réagir à cette mascarade concernant l’intégration à la communauté des «talents» au sein de notre entreprise.

 

Choix du vocabulaire & Ton inapproprié
Entre reconnaissance et exclusion implicite

Des termes tels que «remarquable», «engagement», «briller», «promesses» et «succès» sont employés pour qualifier les membres de cette communauté à venir et la démarche dans laquelle il est proposé de s’inscrire. Implicitement, ces mots laissent entendre que les salariés hors de cette communauté manqueraient de ces qualités. Cela amène une différenciation qui pourrait diviser plus que rassembler. Dans son acception générale, ceux qui ne sont pas désignés comme talents pourraient se sentir dévalorisés, malgré leurs contributions.

Au-delà, ce ton («aventure palpitante», «briller encore plus», «succès») semble déconnecté de la réalité que vivent nombre de salariés. En pleine période de difficultés économiques et de tensions internes, ces expressions sont déplacées. Il est indécent de demander aux employés de « briller » alors que des efforts de réorganisation structurelle de l’entreprise sont attendus.

Identification des talents : un processus opaque

Les invités ont été identifiés talents. Comment ? Aucun critère précis ou objectif n’est explicitement défini dans le mail d’invitation. En sus, il semble que la GCM (Gestion des Compétences et des Métiers) soit largement dépassée et n’entre que peu en compte. A quand une mise à plat claire de la matrice ?

 

 Inégalité fonction VS rémunération

Faut-il encore noter que les grilles salariales des managers et chefs de projet sont souvent plus élevées que celles des experts techniques ? Si cette communauté des talents a pour but de reconnaître et valoriser des compétences spécifiques, il est crucial que cette reconnaissance ne reste pas seulement symbolique. Une « opportunité unique de briller encore plus » devrait s’accompagner d’une rémunération adéquate, car un talent qui

apporte de la valeur à l’entreprise mérite une reconnaissance financière réelle et non des stimuli intangibles … Et du travail en plus ! Aucun OTP pour reporter ce surplus d’activité dans le CRA. Et oui, c’est du best effort, car on le vaut bien, et qu’on fait un travail-passion … L’équilibre vie pro vie perso on en parle ?

 

Différenciation entre les salariés : concurrence et pression accrues

La création d’une telle communauté introduit implicitement une mise en concurrence entre ceux qui sont intégrés et ceux qui ne le sont pas. De plus, même au sein de la communauté, une compétition peut s’installer, car rester dans cette « élite » semble dépendre de la capacité à prouver constamment sa valeur. Cette pression risque de créer des tensions inutiles et un environnement de travail anxiogène, au lieu de promouvoir une collaboration saine et une reconnaissance équitable.

 

«Talent» : un glissement sémantique douteux

Le terme « talent » est souvent employé dans le monde du divertissement, et non de façon pérenne dans une organisation professionnelle. Cela reflète un modèle qui privilégie l’apparat plutôt que la substance, et pose la question de la durabilité de ce type de reconnaissance. Les talents ne devraient pas être associés à une image éphémère ou superficielle, mais bien à des compétences solides et une expertise longuement développée.

 

Des opportunités accessibles à tous ?

Enfin, cette communauté semble offrir des avantages particuliers, tels que des soirées de réseautage, des formations dédiées, des conférences et des opportunités stratégiques. Mais tous les salariés auront-ils les moyens d’y participer ? Le temps consacré à ces activités est souvent en dehors du cadre habituel de travail, ce qui soulève des questions d’équité. Ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas s’impliquer dans ces activités supplémentaires seront-ils exclus des futures opportunités ? Cette initiative risque de renforcer l’idée d’une organisation à deux vitesses (trois avec les « non-talents » (sic) …

Cette initiative, qui passe pour louable dans son intention de valorisation, manque déjà de profondeur dans son approche et crée plus de questions que de réponses. Si Eviden (et Atos demain ?) souhaite réellement retenir ses « talents » et encourager le développement de compétences, elle doit le faire de manière plus transparente, équitable et en adéquation avec les aspirations de l’ensemble des salariés, et le respect des compétences de toutes et tous.