On vous en avait déjà parlé dans notre « Vite-Dit » de janvier. Un grand nombre de salariés Bull, essentiellement ceux qui travaillent pour l’entité TS, ont été transférés de Bull à Atos France. C’était paraît-il une question de cohérence (ne rigolez pas) dans le cadre du projet de scission du groupe. Bon, la scission ne s’est pas faite, mais c’était une question de cohérence (j’ai dit ne rigolez pas) dans le cadre de la vente de BDS, non pardon de Tech Foundations, non pardon ça ne se fera pas non plus. De toute façon on vous l’a dit et répété, il n’y a pas de plan B, juste un plan A qui change tout le temps. Quand même il y aurait de quoi rigoler si les emplois n’étaient pas en jeu.
On cherche toujours la cohérence, mais les salariés, eux, sont transférés quand même. Et dans quelles conditions ? Celles que la direction a fixées dans une note, dite « Décisions Unilatérales de l’Employeur » (DUE), rien que le titre ça promet ! Avec à la clé, un changement de Convention Collective, et donc une nouvelle classification conventionnelle des salariés selon une grille de transposition… qui n’est même pas présentée dans la DUE. L’historicité supposée de cette grille fantôme, à en croire la direction, serait le principal argument pour justifier la méthodologie retenue. C’est un peu léger. Concrètement, elle conduit à agréger plusieurs niveaux de classification de la Métallurgie vers un seul et même niveau Syntec, ce qui n’est pas satisfaisant en termes d’équité de traitement individuel des situations de chaque salarié. Qui plus est, les classifications « source » et « cible » ne reposent pas sur les mêmes critères, ce qui revient à convertir automatiquement des choux en carottes, mais cela ne semble pas poser de problème à la direction. Vous me direz, question cohérence, on n’est en plus là…
Le changement de modalité de temps de travail vient s’ajouter à la problématique de classification : certains salariés pourront conserver leur modalité, mais d’autres ne trouveront pas au Syntec de modalité équivalente. Par exemple, des salariés pourraient ne plus être éligibles à une modalité au forfait, en raison de critères spécifiques au Syntec.
S’agissant des forfaits jours, un examen individuel du niveau d’autonomie de chacun serait préférable, mais encore faudrait-il disposer de critères fiables d’évaluation de l’autonomie. Il est à craindre que le classement GCM ne soit d’aucune utilité, connaissant la pitoyable fiabilité de cette classification « maison ».
Les indemnités de départ à la retraite diffèrent entre les deux convention collective. Les dispositions spécifiques « Bull » de l’accord « temps de travail » de 2016 seront-elles bien prises en compte ? Mystère.
Également au programme, l’harmonisation des taux de cotisation retraite de l’ensemble des salariés de la société « cible ». Pour les ex-Bull, cela entraine un manque à gagner sur le montant de leur retraite, que ne compensera pas l’économie de bouts de chandelles faite sur le montant mensuel de cotisation.
Enfin, les minimas conventionnels Syntec étant moins élevés que ceux de la métallurgie, les salariés transférés perdent l’avantage de ce mécanisme de « voiture balai » : pendant plusieurs années ils vont voir leurs salaires stagner en attendant qu’elle les rattrape.
Le projet, bâclé et lacunaire, se préoccupe fort peu des salariés. Aucune mesure de prévention n’est envisagée en termes de risques psychosociaux (RPS), alors qu’il appartient explicitement à l’employeur de s’assurer que les dispositions qu’il applique ne viennent pas dégrader les conditions de travail et de santé des salariés. La conduite du changement est négligée : ni réflexion préalable, ni effort d’explication. Quant au management direct, il n’est pas en mesure d’apporter des éclaircissement aux salariés. Enfin, le manque de précision dans la définition des métiers et activités des salariés ne permet pas d’établir un dispositif de prévention des risques psycho-sociaux digne de ce nom, les risques résultant du projet n’étant même pas clairement mentionnés.
Que dire enfin de l’avenir du plan de scission Atos / Eviden, qui semble mort-né, et donc quid de l’application de cette note et du transfert des salariés si la scission venait à ne pas être finalisée ?
La direction conteste les critiques portées sur sa méthodologie et sur sa grille de transposition des classifications. Elle souligne que le passage de salariés d’un forfait jour à un forfait hebdomadaire leur ouvre la possibilité de bénéficier d’heures supplémentaires ce qui est positif s’ils ne disposent pas d’une réelle autonomie de gestion de leur temps. Positif seulement si leur management veut bien les leur accorder, ces heures supp, sommes nous tentés d’ajouter… La direction ne voit ni positif ni négatif dans l’harmonisation des taux de retraite. Cela dépend, dit-elle, de la fenêtre d’où on regarde. Et comme elle regarde de sa fenêtre, c’est en tout cas tout bénef pour elle, sur le dos des ex-Bull, en économies de cotisations patronales. Quant à la prévention des RPS, elle aurait, parait-il, été anticipée dans le projet BOOST, ose dire la direction qui fait du Audiard sans le savoir. Vous voilà rassurés ?
Les élus ont exprimé à l’unanimité un avis défavorable et motivé sur cette DUE.