Les épidémies se suivent et ne se ressemblent pas. Après la crise sanitaire, Atos subit une épidémie de mauvaise foi. Le mal, me direz-vous, était endémique. Certes, mais aujourd’hui le pic est sans précédent. Comme dirait quelqu’un, le pire reste à venir. Et le pire, ma foi, n’est jamais décevant…

Premier épisode : le coronavirus frappe Atos, mais comme Atos est agile, hop un pas de côté et une prescription de télétravail ont suffi : le coup passe à côté. En témoignent les très bonnes projections annoncées pour 2020 par notre chef à tous dont la parole ne saurait être mise en doute.

Deuxième épisode : comme on n’est jamais trop prudent, Atos veut tout de même supprimer les Négociations Annuelles Obligatoires (comprenez : les augmentations de salaires). Ce n’est pas qu’on perde de l’argent, non, mais on pourrait en dépenser moins, une manière comme une autre d’en gagner plus… Tollé des organisations syndicales : ce sont des négociations obligatoires. Et comme ce n’est pas Atos qui (dé)fait la loi, que cela plaise ou non, il faut négocier.

Dernier épisode: négocier oui, mais pas obligés de se mettre d’accord… la direction, contrainte et forcée par la loi, consent donc à ouvrir les négociations. Mais elle prévient : le budget sera égal zéro. Zéro augmentation individuelle, zéro augmentation collective. « Zéro + zéro, la tête à toto » dira le négociateur de la direction qui excelle dans l’humour d’estrade… Impossible, disent les organisations syndicales : comment négocier, s’il n’y a rien à négocier ? Ha bon d’accord, alors la négociation est finie, répond la direction.

Salarié mon ami…

Salarié mon ami n’as-tu point l’impression qu’on te prend pour un âne ? Ou pour filer la métaphore, n’y a-t-il chez Atos que des moutons, des brebis et des vaches à lait, avec pour seul horizon la traite ou l’équarrissage ? Un troubadour d’un autre temps chantait « quand on a pressé le citron on peut jeter la peau ».  Les années passent, le « progrès » fait rage, la maxime reste d’actualité, l’alibi de la productivité en plus. what the fuck ?

Qui croit encore à ces fariboles ? Le petit management lui-même coincé entre le marteau et l’enclume, est-il encore dupe, qui s’époumone à claironner, pour une armée depuis longtemps démobilisée, de vains slogans de « nouveau défi » et de « challenge à relever ». Ce serait à pleurer de rire, si ce n’était à pleurer tout court. Capitaines de pacotille à l’abordage des moulins à vent, où est désormais votre honneur, vous qui, de Don Quichotte, n’avez hélas plus que l’égarement ?

Ce qui hier déjà se voyait, aujourd’hui devient flagrant : décomplexés, les 1% des 1% se gavent, obscènes, méprisants, bouffis de suffisance. Pour si peu donner en partage, autant ne rien donner du tout.  Mesdames et messieurs de la direction Atos France, ne vous sentez pas injuriés, ce n’est point de vous qu’il s’agit : vous n’êtes pas ces chevaliers affairistes et autres licornes qui nous encornent. Non, non, non, vous n’êtes dans cette affaire que de modestes commis, exécutants serviles de décisions prises pour vous. S’il est des « collaborateurs », pour reprendre votre vocabulaire, c’est vous.

Ton avenir est dans tes combats
Quant à toi, salarié lambda, hier serreur de boulons à la chaine, aujourd’hui pisseur de code, à la chaine aussi, tes mains sont plus propres mais ta servitude est la même. Tu es libre, me dis-tu, d’aller serrer les boulons dans une autre « boite », la demande ne manque pas.
La belle affaire : la servitude cependant est la même. Tu croyais bosser dans la « high tech» et tu te retrouves chez des comptables managés par des épiciers. Ton horizon, ce serait de devenir contremaitre, pardon « chef d’équipe »…? Tu ne vois pas ? Mais si, « team leader », ah là tu vois : en franglish, ça a tout de suite plus d’allure, mais au final qu’est-ce que cela signifie ? Juste une courroie de transmission qui vient après une autre courroie de transmission, qui vient après une autre courroie de transmission ! Ça rend plus concret le concept de subordination qui va avec ton contrat de travail, n’est-ce pas ?

Est-ce vraiment de cela que tu rêvais à tes 18 ans ? Hier tu payais quinze ans pour mettre un toit sur la tête de ta famille. Aujourd’hui tu en prends pour quarante ans. Pilule bleue ou pilule rouge, quel choix te reste-t-il ? Travailler aujourd’hui pour subvenir à tes besoins essentiels, juste pour pouvoir recommencer demain ? Faut-il consentir à ce qui est, de petites compromissions en petits reniements, jusqu’au moment de ne plus te reconnaître toi-même et de détester ce que tu es devenu ? Ou renverser la table et ficher le camp pour d’autres horizons ?

Je te dirais bien de faire le second choix, si ce n’était précisément celui que cette entreprise Atos kafkaïenne attend de toi. Car ils étaient déjà quelques-uns, il y a des décennies, penseurs éclairés au néon-libéralisme, à théoriser « l’entreprise sans salariés » comme une utopie radieuse. Et, comme chez nos managers « éclairés », les idées comme les ampoules datent du siècle dernier, autant dire que ta défection sera encore et toujours la bienvenue.

Que faire alors ? N’attend pas de moi la réponse. Tu as un cerveau, un libre arbitre et – je l’espère – un esprit critique. C’est le moment de t’en servir. Souviens-toi simplement que ta servitude est librement consentie. Et qu’il te suffirait de n’y point consentir… Si tu veux, on peut encore en parler.
On n’a qu’une vie, et se parler, mon ami, c’est un bon début pour être plus fort ensemble, non ?